« Partenariats entre les États-Unis et l’Afrique : promouvoir les intérêts communs »

Département d’État des États-Unis

Le 13 septembre 2017

United States Institute of Peace, Washington

Allocution de Thomas Shannon, sous-secrétaire chargé des Affaires politiques

Introduction

Bonjour. Merci, Président Lindborg, pour cette présentation aussi aimable que généreuse. Je vous suis reconnaissant, à vous et à l’ambassadeur Carson, de m’avoir invité à participer à cet important colloque qui a lieu à un moment particulièrement opportun.

C’est toujours un plaisir que de traverser la 23ème rue, et de laisser derrière soi l’architecture fédérale des années 1950 du département d’État pour se retrouver face à la beauté vertigineuse du bâtiment de l’United States Institute of Peace (USIP).

L’USIP s’est révélé être une institution unique et vitale dans notre contexte politique. Ce n’est pas seulement le gardien et le fournisseur d’une expertise remarquable en matière de pratique de la consolidation de la paix et de la résolution des conflits, c’est également un rassembleur et un confédérateur de premier ordre. L’USIP rassemble certains de nos meilleurs penseurs stratégiques et certaines des organisations les plus fascinantes pour discuter de la politique étrangère américaine, en débattre et la façonner.

Aujourd’hui en est une occasion parmi d’autres. Je suis honoré de participer à l’ouverture de ce colloque sur la relation entre les États-Unis et l’Afrique, en mettant l’accent sur les partenariats émergents qui définiront cette relation au cours du 21ème siècle.

Comme Nancy l’a bien fait remarquer, je suis un peu un dinosaure chez les diplomates. J’ai servi notre grande République pendant 34 ans. De manière assez curieuse, 17 ans de cette carrière se sont écoulés au 20ème siècle, et 17 ans au 21eme siècle. Ce point d’équilibre m’a permis d’être le témoin et de participer à des moments remarquables de transformation et de changement. Il m’a également appris que l’histoire ne se termine pas ; elle s’accélère. Aujourd’hui, grâce à la technologie et à la connectivité, les changements se font rapidement. Mon expérience m’a appris que le pouvoir américain et les valeurs américaines peuvent avoir un impact transformateur sur le changement mondial. Je crois que cela est particulièrement vrai pour l’Afrique. Le partenariat que nous offrons est particulièrement pertinent pour les pays en transition profonde, avec des gouvernements autoritaires évoluant vers des gouvernements démocratiques, avec des sociétés exclusives se transformant en sociétés inclusives, avec des modèles autarciques de développement s’ouvrant à d’autres, basés sur des marchés ouverts et d’intégration régionale, passant d’un isolement mondial à une participation intense dans les événements mondiaux.

Contexte sur la scène internationale

À l’heure où nous analysons le but et la nature de notre relation avec l’Afrique, il est important de noter deux choses. Tout d’abord, l’émergence de l’Afrique comme zone d’intérêt mondial et de convergence stratégique. Ce qui va se passer sur le continent au cours des prochaines années façonnera l’économie, la sécurité et le bien-être dans le reste du monde. L’Afrique n’est plus un ajout à la géopolitique mondiale. Bien au contraire, c’est un pont qui relie la région indopacifique et la communauté atlantique, et une connexion directe entre l’Europe et le Moyen-Orient. Au département d’État, elle touche tous les bureaux géographiques et au département de la Défense, elle est rattachée à tous les postes de commandes de combats par régions. En bref, le caractère central de l’Afrique la rend éminemment pertinente pour notre succès et exige une attention et un engagement de notre part.

Ensuite, en ce qui concerne les États-Unis, l’Afrique est déjà un continent d’alliés et de partenaires. À quelques exceptions notables, la grande majorité des États africains partage notre engagement en faveur des marchés libres, du commerce équitable, de la démocratie et de l’état de droit, des frontières sécurisées et de la mise en place de réponses efficaces faces aux menaces terroristes mondiales.

Les progrès des États africains vers des marchés ouverts et le libre-échange ont stimulé la croissance économique, le développement et de formidables opportunités à travers le continent. En effet, six des dix économies mondiales dont la croissance est la plus forte sont en Afrique. D’ici 2030, l’Afrique représentera près d’un quart de la main-d’œuvre et des consommateurs au monde, et d’ici 2050, la population africaine devrait doubler pour atteindre deux milliards de personnes.

Et notre balance commerciale avec l’Afrique est proche de la parité – grâce à une demande en plein essor des investissements dans les domaines de l’infrastructure, des avions, des produits de consommation et des services. Les États africains attirent constamment l’attention des investisseurs des entreprises américaines.

La démocratie et l’état de droit sont également en plein essor sur le continent. Les élections ouvertes et participatives deviennent la norme. Il y a deux semaines seulement, nous avons assisté à la décision de la Cour suprême du Kenya d’annuler les élections présidentielles du 8 août et à la décision sage du président Kenyatta de respecter ce choix. Le processus juridique indépendant, ainsi que le soutien et le respect généralisés pour la décision de la Cour, témoignent de la solidité de la démocratie du Kenya.

Enfin, nos alliés et partenaires africains prennent des initiatives régionales pour lutter contre les conflits et les crises humanitaires de longue date. Dans le bassin du lac Tchad, le Nigéria, le Niger, le Tchad et le Cameroun ont formé le Groupe de travail mixte multinational (ou Multinational Joint Task Force) pour combattre Boko Haram et Daech en Afrique de l’Ouest ; ils coordonnent les opérations militaires, la sécurité civile et l’aide humanitaire. Les États-Unis sont fiers de soutenir cette initiative et d’autres initiatives régionales visant à accroître la sécurité et la stabilité des citoyens touchés par les conflits et l’insécurité alimentaire.

Le renforcement de notre relation : la voie à suivre

Bien que nombre de développements récents soient à saluer sur le continent, nous savons tous que les États africains continuent de faire face à des défis importants. Et pour grandir, toute relation, si forte soit-elle, exige qu’on l’entretienne et la cultive. Alors que le président Trump, le secrétaire Tillerson et notre équipe de sécurité nationale s’apprêtent à s’impliquer auprès de nos partenaires africains, ils seront guidés par quatre objectifs stratégiques.

 Faire progresser la paix et la sécurité

Premièrement, faire progresser la paix et la sécurité. Et ainsi, bénéficier aux citoyens en Afrique et faire progresser notre propre sécurité nationale.

Nous cherchons à ce que nos partenaires africains prennent l’initiative de résoudre les conflits régionaux et nous continuerons à nous associer à l’Union africaine et aux organisations régionales qui mènent des efforts fructueux pour mettre fin à la violence et prévenir les atrocités de masse. Bien que notre espoir et notre engagement à mettre fin aux crises dévastatrices d’origine humaine en république démocratique du Congo, au Soudan du Sud et dans d’autres pays soient mis à l’épreuve, la durabilité à long terme de notre engagement financier exige des contributions continues de nos partenaires. Nous exigerons également un engagement politique plus important des dirigeants africains qui ont à cœur la paix et la stabilité dans leur pays et dans leur région. Cela pour garantir l’efficacité et la durabilité de notre soutien et de nos investissements.

Sur le continent, nous travaillons pour renforcer la capacité des forces de maintien de la paix régionales dont le nombre continue d’augmenter en Afrique. Au cours de la dernière année, nous avons dispensé une formation aux soldats de la paix de plus de 20 pays africains engagés activement dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies et de l’Union africaine (UA). Cet engagement a permis à plus de dix bataillons d’être déployés plus efficacement dans certaines des opérations les plus dangereuses au monde en Somalie, au Mali, au Soudan du Sud et en République centrafricaine. Les Africains représentent désormais plus de 70 % des Casques bleus en Afrique, contre 40 % il y a dix ans. Il est évident que le maintien de la paix comporte un risque énorme. Nous pleurons et honorons ces Africains qui ont donné leur vie dans des opérations de maintien de la paix.

Les États-Unis veillent également à la paix et la sécurité dans le cadre de l’aide humanitaire aux populations vulnérables, comme les réfugiés et les personnes déplacées. En 2016, nous avons fourni un financement de plus de 1,5 milliard de dollars aux opérations humanitaires du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Avec le soutien de l’USAID et du Bureau chargé de la Population, des Réfugiés et des Migrations du département d’État (à titre d’exemple), environ 1,8 million de personnes au Soudan du Sud reçoivent une aide humanitaire vitale chaque mois.

Notre travail visant à promouvoir la paix et la sécurité ne se fait pas qu’au niveau régional. Il se fait de plus en plus au niveau international. Les États d’Afrique travaillent en partenariat avec nous pour essayer de faire face au danger que la Corée du Nord présente pour le monde. Nous avons demandé à des pays africains de se joindre à nous en limitant leur engagement politique et économique avec la Corée du Nord, en mettant fin aux réseaux de commerce illicites existant avec la Corée du Nord, et en s’opposant publiquement aux essais nucléaires et de missiles. Beaucoup de nos partenaires africains ont pris des mesures, mais il reste encore beaucoup à faire.

La lutte contre le fléau du terrorisme

Deuxièmement, la lutte contre le fléau du terrorisme. Cette administration entend s’associer avec des alliés en Afrique pour affronter et lutter contre le terrorisme sur le continent, y compris pour vaincre Boko Haram, Al-Qaïda au Maghreb islamique et Daech en Afrique de l’Ouest. Au cours des dernières années, les pays africains ont intensifié leurs efforts régionaux et au sein de leurs frontières pour mieux prendre part à ce front, souvent avec beaucoup de succès. L’Union africaine et les Forces de sécurité somaliennes sont sur le point de chasser Al‑Shabaab du pays. En travaillant dans le cadre du leadership de l’UA, les partenaires régionaux de maintien de la paix, tels que l’Ouganda, le Kenya, l’Éthiopie, le Burundi et Djibouti contribuent à donner l’exemple de cet effort.

Les outils militaires, d’application de la loi et de renseignement sont essentiels pour se défendre contre ces menaces, mais la force militaire seule ne suffit pas à l’instauration d’une paix durable. Nous devons travailler avec nos partenaires, y compris la société civile, les autorités traditionnelles et les leaders religieux, pour éliminer les causes profondes des conflits, combattre la marginalisation et créer des opportunités économiques. Il n’existe pas de solution à long terme contre le terrorisme sans cette approche globale.

Tout progrès dans nos efforts de lutte contre le terrorisme sera toutefois anéanti par les comportements abusifs et illégaux des forces de sécurité. Nous continuerons à attendre de nos alliés qu’ils appliquent les normes les plus élevées et veillent à ce que les personnes qui ne respectent pas les droits de l’homme dans cette lutte importante assument la responsabilité de leurs actes.

Le défi pour nos partenaires africains est maintenant de compléter leurs succès sur le champ de bataille avec des forces de l’ordre formées pour assurer la sécurité civile et des politiques économiques visant à faire prospérer des économies locales pour l’instant moribondes.

Développer la croissance économique et l’investissement

Troisièmement, promouvoir la prospérité, grâce à la croissance économique et à l’investissement. Cette administration entend faire des affaires non seulement en Afrique, mais aussi avec l’Afrique, en mettant l’accent non plus sur l’aide mais sur le commerce et l’investissement. Le commerce sera libre, juste et réciproque, et nos investisseurs seront plus compétitifs. L’idée est de créer des emplois pour les Américains et les Africains sur l’ensemble du continent.

L’un de nos efforts bipartites les plus importants dans l’arène économique est la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique, ou AGOA. L’AGOA est la pierre angulaire de l’engagement économique des États-Unis avec les pays d’Afrique subsaharienne depuis 2000.

En voici quelques accomplissements :

  • Les investissements des États-Unis en Afrique subsaharienne sont passés de 9 milliards de dollars par an en 2001 à 34 milliards de dollars en 2014 et ont créé plus de 300 000 emplois en Afrique.
  • Les exportations des États-Unis vers l’Afrique ont augmenté à un rythme encore plus rapide, passant de 6 milliards de dollars en 2000 à 25 milliards de dollars en 2014.
  • Les importations des États-Unis en provenance d’Afrique subsaharienne dans le cadre de l’AGOA ont totalisé près de 11 milliards de dollars en 2016, soit une augmentation de 14 % par rapport à l’année précédente.

Ces succès, et la certitude que le commerce contribue à consolider les institutions démocratiques et à renforcer la stabilité régionale, sont les principales raisons pour lesquelles le Congrès des Etats-Unis a approuvé en 2015 la reconduction de l’AGOA pour dix années supplémentaires.

Nous restons attachés à nos partenariats économiques avec l’Afrique et continuerons de rechercher des opportunités pour renforcer le commerce et l’investissement bilatéraux. L’USAID, par exemple, a créé trois pôles commerciaux pour aider le secteur privé africain à tirer profit de l’AGOA et à accroître ses exportations vers les États-Unis. En outre, la Millennium Challenge Corporation, ou MCC, fournit une aide économique aux gouvernements qui ont déjà instauré des environnements politiques favorables. La plupart des projets de la MCC ont été et continuent d’être menés en Afrique.

Promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance

Enfin, promouvoir la démocratie et la bonne gouvernance. Les mesures visant à assurer une paix durable sont compromises lorsque les gouvernements ne font pas preuve de bonne gouvernance et qu’ils ne respectent pas l’état de droit – qui constituent la base de la sécurité et le moteur de la croissance économique inclusive des sociétés libres.

Nous voyons les effets corrosifs de la corruption comme fondamentalement préjudiciables au succès futur des sociétés africaines. Une étude de l’UA estime que la corruption coûte environ 150 milliards de dollars par an au continent. Les pots-de-vin et la corruption de bas niveau aggravent la pauvreté et les inégalités et nuisent à la foi des citoyens dans leur gouvernement. La corruption – en particulier au plus haut niveau – dissuade les investissements étrangers, favorise l’instabilité et diminue la capacité des forces de sécurité et d’autres institutions à fournir des services de base.

Les États-Unis continueront à s’associer avec des organisations régionales pour faire progresser la bonne gouvernance et l’état de droit. En Gambie, lorsque le président Jammeh est revenu sur son engagement à accepter les résultats des élections présidentielles de décembre 2016, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ou CEDEAO, a intensifié ses efforts avec d’autres dirigeants régionaux pour adopter une position de principe en faveur de la démocratie. La CEDEAO et les dirigeants régionaux ont organisé une forte campagne diplomatique pour influencer le président Jammeh à renoncer au pouvoir. Il a finalement cédé, et a transféré le pouvoir de manière pacifique à son successeur démocratiquement élu, le président Barrow. Ce fut là un excellent exemple d’un effort africain conçu et dirigé par l’Afrique pour le renforcement de la démocratie, et que nous étions fiers de soutenir.

Conclusion

L’Afrique est une terre d’amis et de partenaires de confiance. Nous devons continuer notre voyage commun en quête de paix et de sécurité, de démocratie inclusive et de bonne gouvernance, d’une main-d’œuvre formée, bénéficiant d’opportunités économiques et d’une société civile plus autonomisée. Comme le dit un vieux proverbe africain, « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » C’est ce que nous prévoyons de faire, de cheminer ensemble, avec nos partenaires africains.

Merci encore de m’avoir offert l’opportunité d’être ici aujourd’hui et de votre engagement à faire progresser les liens de longue date entre les États-Unis et l’Afrique.