[…] Soixante-dix ans après la création des Nations unies, il est bon de s’interroger sur ce que les membres de cette organisation, ensemble, ont contribué à accomplir.
Sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale, après avoir été témoin du pouvoir inimaginable de l’ère atomique, les États-Unis se sont efforcés, en collaboration avec beaucoup de nations de cette Assemblée, d’empêcher une troisième guerre mondiale – en forgeant des alliances avec d’anciens adversaires ; en soutenant l’émergence régulière de démocraties fortes qui rendent des comptes à leur peuple plutôt qu’à une puissance étrangère ; et en construisant un système international qui impose un coût à ceux qui préfèrent le conflit à la coopération, un ordre qui reconnaît une dignité et une valeur égale à tous.
C’est le fruit de sept décennies de travail. C’est l’idéal que cette organisation, au meilleur d’elle-même, a poursuivi. Bien entendu, il y a eu trop de cas où, collectivement, nous avons failli à ces idéaux. Au cours de ces sept décennies, de terribles conflits ont fait d’innombrables victimes. Mais nous sommes allés de l’avant, lentement mais sûrement, pour créer un système de règles et de normes internationales plus abouti, plus strict et plus cohérent.
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Et, malgré cela, nous qui sommes rassemblés aujourd’hui savons que la marche de l’humanité vers le progrès ne suit jamais une ligne droite, que notre tâche est loin d’être accomplie ; que des courants dangereux risquent de nous ramener vers un monde plus sombre, plus désordonné.
Aujourd’hui, nous voyons l’effondrement d’hommes forts et d’États fragiles nourrir les conflits et chasser des hommes, des femmes et des enfants innocents d’une frontière à une autre, à une échelle sans précédent. Des réseaux terroristes brutaux se sont engouffrés dans la brèche. Des technologies qui renforcent les capacités des individus sont désormais exploitées également par ceux qui répandent de la désinformation, musèlent l’opposition ou radicalisent notre jeunesse. Les flux de capitaux mondiaux ont alimenté la croissance et les investissements, mais ils ont aussi accru les risques de contagion, affaibli le pouvoir de négociation des travailleurs et renforcé les inégalités.
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En tant que président des États-Unis, j’ai conscience des dangers qui nous guettent ; je les vois tous les matins sur mon bureau. Je suis à la tête de l’armée la plus puissante que le monde ait jamais connue, et je n’hésiterai jamais à protéger mon pays ou nos alliés, si nécessaire par la force et de façon unilatérale.
Mais je m’adresse à vous aujourd’hui avec l’intime conviction que nous, les nations du monde, ne pouvons revenir aux vieilles méthodes du conflit et de la coercition. Nous ne pouvons regarder vers le passé. Nous vivons dans un monde intégré, un monde où nous avons tous intérêt à ce que l’autre réussisse. Nous ne pouvons pas renverser ces forces d’intégration. Aucune nation au sein de cette Assemblée ne peut s’isoler de la menace du terrorisme, du risque de contagion financière, du flot de migrants ou du danger d’une planète qui se réchauffe. Le désordre que nous observons ne vient pas uniquement de la concurrence entre les nations ou d’une idéologie quelconque. Et si nous ne parvenons pas à travailler ensemble de manière plus efficace, nous en subirons tous les conséquences.
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Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai dit clairement que l’une des principales réussites de cette organisation – le régime de non-prolifération nucléaire – était menacée par la violation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires par l’Iran. C’est sur cette base que le Conseil de sécurité a renforcé les sanctions à l’encontre du gouvernement iranien, et beaucoup de pays se sont joints à nous pour les faire respecter. Ensemble, nous avons montré que les lois et les accords ont du sens.
Mais nous avons aussi compris que le but des sanctions n’était pas simplement de punir l’Iran. Notre objectif était de voir si l’Iran pouvait changer de politique, accepter les contraintes et permettre au monde de vérifier que son programme nucléaire serait pacifique. Pendant deux ans, les États-Unis et nos partenaires – y compris la Russie et la Chine – se sont serré les coudes et ont mené des négociations complexes. Le résultat, c’est un accord détaillé et durable qui empêche l’Iran de se doter de l’arme nucléaire tout en lui permettant d’avoir accès à une source d’énergie pacifique. Et si cet accord est pleinement mis en œuvre, l’interdiction des armes nucléaires aura été renforcée, une guerre potentielle aura été évitée et notre monde sera plus sûr. Voilà la force du système international quand il fonctionne comme il le devrait.
C’est cette même fidélité à l’ordre international qui guide nos réponses à d’autres défis dans le monde. Prenons l’annexion de la Crimée par la Russie et son agression dans l’est de l’Ukraine. Les États-Unis ont peu d’intérêts économiques en Ukraine. Nous sommes conscients de l’histoire longue et complexe qui unit la Russie et l’Ukraine. Mais nous ne pouvons rester sans réagir lorsque la souveraineté et l’intégrité territoriale d’une nation sont violées de manière flagrante. Si cela se produit en Ukraine sans qu’il y ait de conséquences, cela pourrait arriver à n’importe laquelle des nations réunies ici aujourd’hui. C’est le fondement des sanctions que les États-Unis et ses partenaires imposent à la Russie. Ce n’est pas le désir de revenir à une guerre froide.
En Russie, les médias contrôlés par le pouvoir peuvent décrire ces événements comme étant l’illustration de la résurgence de la Russie – opinion partagée d’ailleurs par un certain nombre de politiciens et de commentateurs américains qui se sont toujours montrés très méfiants à l’égard de la Russie et qui semblent convaincus que, de fait, nous sommes face à une nouvelle guerre froide. Et pourtant, regardez les résultats. Le peuple ukrainien souhaite plus que jamais s’aligner avec l’Europe plutôt qu’avec la Russie. Les sanctions ont entraîné une fuite des capitaux, la contraction de l’économie, la chute du rouble et l’émigration des Russes les plus instruits.
Imaginez qu’au lieu de cela, la Russie ait eu recours à une véritable diplomatie et ait travaillé avec l’Ukraine et la communauté internationale pour s’assurer que ses intérêts soient protégés. Ce serait mieux pour l’Ukraine, mieux pour la Russie et mieux pour le monde, et c’est pourquoi nous continuons à œuvrer pour que cette crise se résolve d’une façon qui permette à une Ukraine souveraine et démocratique de déterminer son avenir et de contrôler son territoire. Ce n’est pas parce que nous voulons isoler la Russie – nous ne le voulons pas – mais parce que nous voulons une Russie forte qui s’engage à nos côtés pour renforcer le système international dans son ensemble.
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Je crois aussi que, si nous voulons avancer dans cette nouvelle ère, nous devons être assez forts pour reconnaître, le cas échéant, que ce que nous faisons ne fonctionne pas. Pendant 50 ans, les États-Unis ont mené une politique cubaine qui n’a pas réussi à améliorer la vie du peuple cubain. Nous avons changé cela. Nous continuons à avoir des divergences avec le gouvernement cubain. Nous continuerons à défendre les droits de l’homme. Mais nous abordons ces questions par le biais des relations diplomatiques, d’un développement des échanges commerciaux et d’un rapprochement des peuples. Au fur et à mesure que ces contacts produiront des résultats, je suis certain que notre Congrès finira inévitablement par lever un embargo qui n’a plus lieu d’être. (Applaudissements.) Le changement ne se produira pas du jour au lendemain à Cuba, mais je suis sûr que l’ouverture, et non la coercition, encouragera les réformes et améliorera la vie des Cubains comme ils le méritent, de même que je pense que Cuba ira vers la réussite si le pays choisit de coopérer avec les autres nations.
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Bien entendu, partout dans le monde, nous continuerons à être confrontés à des pays qui rejettent ces leçons de l’histoire, à des endroits où les troubles civils, les conflits frontaliers et les guerres sectaires entraînent l’apparition d’enclaves terroristes et déclenchent des catastrophes humanitaires. Là où tout ordre s’est effondré, nous devons agir, mais nous serons plus forts si nous agissons ensemble.
Les États-Unis prendront toujours leur part à ces efforts. Nous ferons cela en gardant à l’esprit les leçons du passé – pas seulement les leçons de l’Irak, mais aussi l’exemple de la Libye, où nous nous sommes joints à une coalition internationale, sous mandat de l’ONU, pour prévenir un massacre. Cependant, lorsque nous avons aidé le peuple libyen à mettre fin au règne d’un tyran, notre coalition aurait pu et aurait dû faire davantage pour occuper l’espace laissé vacant. Nous sommes reconnaissants aux Nations unies pour les efforts accomplis afin de constituer un gouvernement d’unité nationale. Nous aiderons tout gouvernement légitime libyen qui œuvrera à rassembler le pays. Mais il nous faut également reconnaître que nous devons travailler de façon plus efficace à l’avenir, en tant que communauté internationale, pour renforcer les capacités des États qui sont affaiblis avant qu’ils ne s’effondrent.
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Nulle part notre attachement à un ordre international n’est davantage éprouvé qu’en Syrie. Lorsqu’un dictateur massacre des dizaines de milliers de ses compatriotes, il ne s’agit pas simplement des affaires intérieures d’une nation : cette politique entraîne des souffrances humaines d’une ampleur qui nous affecte tous. De même, lorsqu’un groupe terroriste décapite des prisonniers, massacre des innocents et réduit les femmes en esclavage, il ne s’agit pas d’un problème de sécurité nationale d’un seul pays, il s’agit d’une attaque contre l’humanité toute entière.
Je l’ai déjà dit et je le répète : il n’y pas de place pour un culte apocalyptique comme l’État islamique, et les États-Unis n’ont pas d’excuses à présenter lorsque nous utilisons notre armée, dans le cadre d’une large coalition, pour les combattre. Nous le faisons avec détermination pour garantir qu’il n’existera jamais de lieu sûr pour les terroristes qui commettent ces crimes. Et nous le démontrons depuis plus d’une décennie de lutte implacable contre Al-Qaïda, nous ne laisserons pas les extrémistes nous survivre.
Mais si la force militaire est nécessaire, elle n’est pas suffisante pour résoudre la situation en Syrie. Une stabilité durable ne pourra s’installer que lorsque le peuple de Syrie conclura un accord pour vivre ensemble dans la paix. Les États-Unis sont prêts à travailler avec tous les pays, y compris la Russie et l’Iran, pour résoudre le conflit. Mais nous devons reconnaître qu’après un tel bain de sang, un tel carnage, il ne peut y avoir de retour au statu quo d’avant la guerre.
Rappelons-nous comment tout cela a commencé. Asad a répondu à des manifestations pacifiques en intensifiant la répression et les tueries, qui ont à leur tour ouvert la voie au conflit actuel. Donc Asad et ses alliés ne peuvent pas simplement pacifier la grande majorité d’une population qui a été brutalisée par des armes chimiques et des bombardements indiscriminés. Oui, le réalisme dicte qu’un compromis soit trouvé pour mettre fin aux combats et finalement écraser l’État islamique. Mais le réalisme demande aussi d’organiser une transition pour faire partir Asad et remettre le pouvoir à un nouveau dirigeant, et de constituer un gouvernement de coalition qui reconnaisse qu’il faut mettre fin à ce chaos pour que le peuple syrien puisse commencer à reconstruire.
Nous savons que l’État islamique, qui a émergé du chaos en Irak et en Syrie, dépend de la poursuite de la guerre pour sa survie. Mais nous savons aussi que l’organisation recrute des adhérents à l’aide d’une idéologie toxique. Donc une partie de notre travail, tous ensemble, consiste à faire en sorte de rejeter cet extrémisme qui infecte trop de nos jeunes gens. Une partie de cet effort doit consister, pour les musulmans, à rejeter sans relâche ceux qui déforment l’Islam pour prêcher l’intolérance et promouvoir la violence, et les non-musulmans doivent aussi de leur côté rejeter cette ignorance qui assimile l’Islam au terrorisme.
[…] il n’y a pas de réponses simples aux changements qui se produisent dans une grande partie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Mais tant de familles ont besoin d’aide immédiatement ; elles n’ont pas le temps d’attendre. Et c’est pourquoi les États-Unis sont en train d’augmenter le nombre de réfugiés que nous accueillons à l’intérieur de nos frontières. C’est pourquoi nous continuerons à être le plus gros donateur d’aide humanitaire à ces réfugiés. Et aujourd’hui, nous lançons de nouveaux efforts pour faire en sorte que notre peuple et nos entreprises, nos universités et nos ONG puissent aider aussi – car sur les visages de ces familles qui souffrent, c’est nous-mêmes que voit notre nation d’immigrants.
Évidemment, selon les vieux modes de pensée, la souffrance des faibles, la souffrance des réfugiés, la souffrance des personnes marginalisées ne comptaient pas. Ces populations étaient en marge des problèmes du monde. Aujourd’hui, notre préoccupation pour elles n’est pas seulement mue par notre conscience, mais devrait aussi être guidée par un intérêt bien compris. Car aider ceux qui ont été relégués en marge de notre monde, ce n’est pas seulement de la charité, c’est une question de sécurité collective. Et l’objectif de cette institution n’est pas simplement d’éviter les conflits, mais aussi de galvaniser l’action collective qui contribue à rendre la vie meilleure sur cette planète.
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Je reconnais que la démocratie va prendre différentes formes dans les différentes parties du monde. L’idée même d’un peuple qui se gouverne dépend de la capacité du gouvernement à laisser s’exprimer sa culture unique, son histoire unique, ses expériences uniques. Mais il est des vérités universelles qui sont une évidence. Nul ne veut être emprisonné pour avoir exercé sa religion de manière pacifique. Aucune femme ne devrait pouvoir être abusée en toute impunité, ni aucune fille être empêchée d’aller à l’école. La liberté d’adresser une pétition pacifique à ceux qui sont au pouvoir sans craindre des lois arbitraires : ce ne sont pas là les idées d’un pays ou d’une culture. Ce sont des idées fondamentales au progrès de l’humanité. Des idées qui constituent une des pierres angulaires de cette institution.
J’ai conscience que dans maintes parties du monde, il existe une vision différente – la conviction selon laquelle un gouvernement fort ne doit tolérer aucune opposition. Je l’entends non seulement chez les adversaires des États-Unis mais aussi, en privé du moins, chez certains de nos amis. Je ne suis pas d’accord. Je pense qu’un gouvernement qui réprime une opposition pacifique ne montre pas sa force ; il montre sa faiblesse et il montre sa peur.(Applaudissements.) Or l’histoire montre que les régimes qui craignent leur peuple finiront par s’effondrer, alors que les institutions fortes bâties sur le consentement des gouvernés perdurent bien après le départ d’un individu ou d’un autre.
C’est pourquoi nos plus grands dirigeants, de George Washington à Nelson Mandela, ont donné davantage d’importance au fait de bâtir des institutions démocratiques fortes qu’à la soif du pouvoir perpétuel. Les dirigeants qui amendent la constitution pour rester au pouvoir ne font que reconnaître qu’ils n’ont pas réussi à construire un pays prospère pour leur peuple – car personne d’entre nous ne dure éternellement. Cela montre que le pouvoir est quelque chose auquel ils s’accrochent par amour du pouvoir, et non pour améliorer les conditions de vie de ceux qu’ils prétendent servir.
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La démocratie – une démocratie inclusive – rend les pays plus forts. Lorsque les partis d’opposition peuvent chercher à accéder au pouvoir de façon pacifique, à travers les urnes, un pays bénéficie d’idées nouvelles. Lorsqu’une presse libre peut informer le public, la corruption et les abus sont exposés et peuvent être éradiqués. Lorsque la société civile prospère, les communautés peuvent régler des problèmes que les gouvernements ne parviennent pas nécessairement à régler tous seuls. Lorsque les immigrants sont bienvenus, les pays sont plus productifs et plus dynamiques. Lorsque les filles peuvent aller à l’école et avoir un emploi, et qu’on leur donne toutes leurs chances, c’est alors qu’un pays réalise pleinement son potentiel.